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L’EVACUATION EN 1914

racontée par un tiot gamin de Forest

 

Il convient de rappeler que l’Allemagne a déclaré la guerre à la France le 3 août 1914, et que le lendemain, elle adressait un ultimatum au roi Albert 1er et au gouvernement belge, les sommant de laisser passer l’armée allemande sans combattre. Ceci en violation de la neutralité de la Belgique résultant du traité signé en 1831.

Malgré le refus de la Belgique, les Allemands passent outre, et occupent le 7 août la ville de Liège avec pour objectif de contourner par le nord, les armées françaises qui s’étaient massées à l’est vers la frontière allemande.

Il s’ensuivra un déferlement des troupes germaniques dans les zones frontalières avec la Belgique, qui emprunteront les principales voies de communication, notamment la chaussée Brunehaut qui traverse le village de Forest en Cambrésis.

Elles seront précédées par de nombreux réfugiés belges, qui en faisant le récit des atrocités commises par les occupants, jettent à leur tour la population sur la route de l’exode avant l’arrivée des troupes allemandes.  

C’est dans ce contexte que se situe le début du récit de Léon Henniaux, qui est né et a grandi à Forest. Il évoque dans un livre intitulé « Les racontars d’un tiot gamin de Forest » l’évacuation en août 1914 de sa famille et les avatars vécus durant l’occupation.

Les voies romaines et rectilignes créées par César il y a 2000 ans ont particulièrement favorisé les invasions venues du nord. Situé sur la chaussée Brunehaut, le village de Forest en a fait les frais à maintes reprises : les Ostrogoths, Wisigoths et Teutons, les armées royales françaises puis napoléoniennes ont arpenté la chaussée Brunehaut. Au XXe siècle, Forest a été occupé durant les deux guerres mondiales.

En 1914, quand éclate la guerre, mes parents doivent évacuer dans un chariot attelé de deux chevaux. Ils ne vont pas bien loin : les Allemands les arrêtent au Pommereuil, quatre kilomètres plus loin.

Des uhlans, des cavaliers armés de lances, terrorisent la population en piquant de leur arme les villageois trop curieux. Ils impressionnent tellement Germaine, onze ans, que celle-ci s'enfuit. Mes parents l'ont cherchée plusieurs jours avant de la retrouver chez un oncle de Bousies, chez lequel elle avait trouvé refuge.

 

Malgré mon jeune âge, je garde quelques souvenirs très marquants de la Grande Guerre. En septembre 1918, j'ai trois ans et demi. La terreur arpente les rues de Forest, cravache à la main : un certain Frederick dirige la soldatesque allemande qui occupe le village. Casquette verte, bottes noires, il distribue des coups de cravache à ses soldats comme aux jeunes autochtones négligeant de soulever leur casquette à son passage. Il surveille les exercices dans la cour de la ferme, les soldats qui rampent dans les flaques d'eau. Il y a aussi ces deux majestueux officiers en casque à pointe et long manteau, arrivés un jour dans la cour de notre ferme. Leur calèche est tapissée de tissu bleu et attelée de deux superbes chevaux gris pommelés. Je les vois encore très nettement.

En octobre 1918, on nous somme de quitter la maison à nouveau, car les derniers combats nous menacent. Faute de chevaux, tous réquisitionnés, mon père attelle la vache de notre voisin Florimond à une carriole. Ma mère, Denise, Odette, moi-même et Marie-Louise y prenons place, tandis que les aînés marchent à côté. Au Favril, où nous avons passé quelques jours, la fille de la maison Blehault, réfugiée dans la cave, est tuée par un obus au lendemain de notre départ.

Notre périple errant nous amène jusqu'à Saint- Hilaire-sur-Helpe, où nous nous installons dans une petite ferme au bord de la route.

C'est alors que des soldats allemands en déroute lorgnent sur notre vache. Ma mère sort sur le seuil avec sa ribambelle d'enfants, espérant apitoyer l'ennemi. Mais les Allemands repartent avec la vache, malgré Odon qui tient toujours l'animal par une corde et refuse de lâcher. Un soldat prend alors mon frère par le cou et fait mine de l'étrangler, le forçant à laisser la bête. Quelques minutes plus tard, Germaine, Odon, Léopold et Lucien partent pourtant en délégation vers les Allemands. Au bluff, ils leur expliquent que l'officier, qui avait donné l'ordre de réquisitionner l'animal, a finalement changé d'avis. Mes aînés reviennent donc triomphalement avec la vache, qui sera ensuite cachée dans la cave, par mesure de précaution C'est elle qui nous ramène à Forest, quelques semaines plus tard, après la signature de l'Armistice !

Quand nous rentrons chez nous fin novembre 1918 la maison est inhabitable. Germaine la cheftaine, 16 ans à peine, insiste pour que nous la fassions rebâtir et supervise les travaux. Nous logeons provisoirement dans la ferme Ménard à Bousies, occupée par les Anglais qui nous avaient libérés. Ils apportent notamment des seaux de riz pour les enfants.

 

Léon Henniaux « Les racontars d’un tiot gamin de Forest »

Introduction Georges Broxer