C'est une tradition et un rendez-vous : la grande brocante de Forest-en-Cambrésis invite aujourd'hui les chineurs pour sa vingt-septième édition. Pierre Lardenois, brocanteur à Forest, ne manquerait ce rendez-vous pour rien au monde. À quelques heures de l'événement, il nous ouvre les portes de son atelier.
« Ici, c'est pas la galerie d'Auchan. » Pierre Lardenois a le franc parler de ces hommes qui ne s'embêtent pas de fioritures.
Dans sa remise étroite, le visiteur emprunte un fin boyau serpentant à travers un enchevêtrement hétéroclite d'armoires, de vaisselle et de fauteuils anciens. Point de meuble neuf ici, point d'affluence non plus. On n'entre pas dans un atelier de brocante comme dans un supermarché. C'est la recherche de l'objet coup de coeur, du guéridon qui nous rappelle celui de mamie, qui guide le pas dudit visiteur.
« Pierrot la brocante », comme le surnomment certains, a longtemps cherché sa voie. Au fond de lui, la fibre de la brocante vibrait de longue date : « Depuis l'âge de 10 ans, je collectionne les verres. » L'homme trace sa route, loin des meubles anciens et des bibelots. Avant de s'installer brocanteur, il y a trente-six ans, il était mécanicien carrossier, pour les établissements Charles Bavay, à Landrecies (l'agent Peugeot). « Et puis en une semaine, ma décision était prise. » Comme presque tous ses collègues, Pierre Lardenois est essentiellement contacté par des notaires ou des particuliers pour vider des maisons, dans le cadre de successions. « C'est pas un métier tout rose, vous savez. Des fois, on est appelés pour vider des maisons où les gens sont morts.
» Pierre achète tout ou partie du contenu de l'habitation, et revend à des marchands ou des particuliers. « La brocante, c'est une mode qui reste. » Ce que cherchent ses clients, c'est aussi ce qui anime Pierre et entretient son amour pour le métier : « Ici, ce n'est que des meubles qui ont vécu. » Brimborions ou garde-robes signées, tout ici a une vie antérieure et ne demande qu'à retrouver une place dans un intérieur.
« Si j'avais voulu, j'aurais pu être millionnaire. Mais moi ce que je veux, c'est vendre au bon prix. » Et ce n'est pas parce qu'il vend « dans l'état », comme on dit, que le brocanteur ne prend pas soin de sa marchandise. « J'aime bien que ce soit propre. Quand ça n'est pas propre, on ne vend pas. » Volontiers causant, l'homme confie les difficultés du métier. « Y'en a plus beaucoup des comme nous. Quand on partira, y'aura plus personne.
» Le sujet le tracasse. Car Pierre a 59 ans. Il est censé tirer sa révérence le 1er avril prochain. « J'aime mon métier, je ne veux pas être coupé du monde. Alors tant que je peux encore, je continuerai. » •